Prendre un peu de hauteur... (en trolleybus)
Alors que la Ville de México repart pour une nouvelle semaine dans le rouge, et que le reste de l’actualité mexicaine, à l’international en tout cas, n’est pas très réjouissant, offrons-nous une petite bouffée d’optimisme avec l’entretien donné par la “maire”* de la capitale, Claudia Sheinbaum, au quotidien Le Monde.
Une fois encore, le Mexique, vu depuis les rédactions francophones, ne présente malheureusement pas son visage le plus avenant. Ce week-end, Le Journal de Montréal, Le Matin ou encore 20 Minutes relayaient avec horreur la dernière conférence de presse virtuelle du procureur de l’État de Jalisco, qui recensait les découvertes de restes humains réalisées depuis le mois de janvier dans les environs de Guadalajara. Pour ce qui va du seul mois de juin, notent les médias, ce sont trois fosses clandestines qui ont été mises à jour; depuis le début de l'année, les corps de 251 personnes exécutées ont été retrouvés dans cet état du Bajío.
L’autre grande tendance du moment ―dans les médias francophones, mais pas que― est le suivi minutieux, quasiment au jour le jour, de l’augmentation des cas de contagion et de décès liés au Covid-19. Ainsi, vendredi 19 juin, RFI, le média francophone canadien TVA, Le Figaro, Ouest France ou encore, et à nouveau, 20 minutes nous apprenaient-ils que le Mexique avait, finalement, passé la barre des 20 000 décès dus au Covid-19, sur un univers d’un peu plus de 170 000 cas confirmés de contagion. Comme le résume RFI, “le pays est pris en tenaille entre la nécessité de relancer l’économie et une épidémie bien plus tenace que prévu”. En effet, poursuit le média international, la désaccélération des cas de contagion se fait attendre et les autorités estiment désormais que le nombre total de morts pourrait bien atteindre 35 000 cet été... “D’autres experts font des projections plus lourdes encore” précise RFI, un tantinet rabat-joie.
La mégalopole de demain (ou comment construire une « nouvelle normalité » dans la durée)
Dans ce contexte, l’entretien accordé par Claudia Sheinbaum au correspondant du quotidien Le Monde fait donc l’effet d’une bouffée d’oxygène.
Évidemment, la crise sanitaire et ses répercussions sociales et économiques n’épargnent pas la capitale. Et l’échelle des défis auxquels sont confrontées México et sa zone métropolitaine (qui rassemblent un total de 22 millions d’habitants, dont la moitié dépend du secteur informel) est démesurée. Pour ne prendre qu’un indicateur : plus d’un tiers des cas de Covid-19 enregistrés à ce jour dans le pays a été détecté dans la Vallée de México, soient environ 64 000 cas confirmés au 20 juin, et 6 915 décès officiellement recensés.
Mais, comme l’explique Claudia Sheinbaum au correspondant de Le Monde, Frédéric Saliba, perspective il faut savoir garder. Depuis l'entrée en vigueur du confinement volontaire, fin mars, les habitants ont plutôt bien joué le jeux et la mobilité en ville a diminué de 60 % à 70 %; ce qui a “permis d’aplanir la courbe des contagions afin de moins saturer les hôpitaux”. Quant aux hôpitaux justement, n'oublions pas que la capitale possède “le meilleur réseau hospitalier du pays”; un réseau sous tension certes, mais qui résiste. Aujourd'hui, le taux d'occupation se maintient autour de 75%; ce qui laissent en théorie 25% de lits (toutes catégories confondues) encore libres. Si vous éprouvez le besoin (légitime) de vous rassurer, vous pouvez consulter l'application qui cartographie désormais les disponibilités d'accueil dans le secteur public (attention, sur cette même question, le site web du gouvernement de la ville de México n'est plus actualisé depuis le 14 avril).
Mais ce qui est sans doute la dimension la plus plaisante de cet entretien est la projection vers l’avenir que nous propose Claudia Sheinbaum. Comme elle l'explique à Frédéric Saliba, le façonnement de la "métropole du futur" se fera à l'échelle de la Vallée de México, et passe donc par la consolidation de la coordination avec le gouverneur de l’État de Mexico : en matière hospitalière, il va sans dire, mais aussi sur des dossiers aussi épineux que la gestion de l’eau et la mobilité. Evidemment, certaines des actions répertoriées dans l'entretien font l'effet de gouttes d'eau pour une agglomération de 22 millions d'habitants (multiplier des camions citernes pour alimenter les quartiers où l'eau n'arrive pas, préparer les tracés de nouvelles pistes cyclables, multiplier les espaces verts, pour que les habitants respirent, au propre et au figuré). Mais ce sont les gouttes d'eau qui font les rivières.
En revanche d'autres projets sont, d'entrée de jeu, beaucoup plus ambitieux, à l'image de la restructuration tant attendue des transports publics. Dans cette optique, le développement du système de trolleybus élevé au sud-ouest de la ville est, sans doute, un premier pas, tout comme devrait l'être la création d’une nouvelle ligne de métrobus le long du Circuito Interior. Plus ambitieuse aussi la conviction que Claudia Sheinbaum partage avec Le Monde: "Nous devons aussi construire une « nouvelle normalité » dans la durée. On a beaucoup parlé de l’adaptation des villes au changement climatique. La crise du Covid-19 nous montre qu’il nous faut aller plus loin avec un développement durable plus adapté aux crises sanitaires". Face à cette projection pleine de bonne volonté pour un futur pas si lointain, le lecteur regrettera cependant le silence de la Chef du gouvernement de la ville au sujet du plan métropolitain (lui aussi attendu) qui s'attaquera aux causes structurelles de la pollution de l'air; pollution qui ―les études le montrent― n'a malheureusement pas diminué pendant la contingence, malgré la très forte baisse du trafic automobile dans la Vallée de México. Il est à espérer que ce plan soit en préparation, dans l'esprit défendu par le C40 Cities Climate Leadership Groups, le "réseau mondial des grandes villes qui luttent contre le dérèglement climatique", auquel a adhéré la CDMX en 2018.**
Bref, si vous avez besoin de prendre un peu de hauteur et de respirer psychologiquement, n'hésitez pas à lire cet entretien. Il invite à envisager la crise du Covid-19 comme un puissant levier d’une politique de développement durable volontariste, pour que la "nouvelle normalité" acquiert finalement un sens. Un programme encore un peu abstrait, mais résolument positif en ces temps de déni et d’incertitude.
© Masiosarey, 2020,,
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