Mammouths et olmèques vs. grands travaux?
Nouvelle surprise sur le chantier du prochain aéroport international de Santa Lucía : les ossements d’une soixantaine de mammouths mais aussi quinze sépultures préhispaniques (beaucoup plus récentes donc*) ont été mis à jour, fin mai. Ces découvertes “donnent aux experts l’occasion inédite d’enquêter sur plus de 30 000 ans d’histoire”, a déclaré dans un communiqué l’Institut national d’anthropologie et d’histoire du Mexique (INAH), immédiatement repris par Historia National Geographic et par les médias internationaux (The New York Times, The Washington Post, CBS News, The Guardian, Jakarta Post, Al Jazeera, The Sydney Morning Herald...).
Côté francophone, la couverture s'est faite plus discrète car la machine médiatique s’était déjà emballée en novembre dernier (Le Parisien, Le Figaro, L’Express, FranceInfoTV...). En effet, et comme le rappelle cette semaine Courrier international, les archéologues avaient alors découvert, à quelques kilomètres de là, les ossements d’environ 14 mammouths dans deux grandes fosses, le tout datant d’environ 15 000 ans. Et l’INAH, déjà, annonçait qu’il s’agissait de «la plus grande découverte de ce genre» jamais réalisée (pour les images, regardez le reportage photo de El Pais).
En effet, expliquaient alors médias français et internationaux, une telle concentration de restes de mammouths indique très probablement que le nouvel aéroport international de la Ville de México se dressera sur un des premiers “pièges à mammouths” fabriqués par des humains. Il y a quelques dizaines de milliers d’années, la zone était occupée par un lac dont les abords regorgeaient d’herbes fort appétissantes pour les grands mammifères. Et il était relativement facile de creuser des fosses d’environ 2 mètres de profondeurs et d’y attirer les bêtes. Ces pièges se transformaient alors en garde-manger. Une découverte qui confirmerait que les mammouths étaient effectivement nombreux dans la Vallée de México et, plus surprenant peut-être, que le régime alimentaire des hommes de l’époque était probablement plus protéique qu’on ne le pensait jusqu’ici.
Cette dernière découverte, celle du mois de mai, est un peu différente, car pour le moment rien ne permet d’affirmer que ces 60 mammouths sont tombés dans des pièges humains. Il est probable qu’ils se soient enlisés seuls dans la boue du lac. Mais un tel échantillon d’animaux, mâles et femelles de tous âges, permettra sans aucun doute d’approfondir les connaissances sur ces mammifères géants (20 tonnes au bas mot) aujourd’hui disparus : que mangeaient-ils? Quelles étaient leurs pathologies? Quel était l’étendue de leur territoire?... Bref, de quoi bouleverser beaucoup de théories sur la période préhistorique.
Toutefois, comme le notait Courrier international en novembre dernier en citant un article de El Pais, les restes de ces 14 mammouths ne “remplissent pas les critères suffisants” pour arrêter, même temporairement, le chantier de l’aéroport, pas plus d'ailleurs que pour autoriser des budgets supplémentaires aux équipes de chercheurs. Pour nuancer un peu les propos du quotidien espagnol, notons tout de même que L’INAH a l’autorisation de poursuivre ses fouilles et reçoit une aide du Ministère mexicain des armées (SEDENA), en charge de la construction de l’aéroport. Il se pourrait même qu’un musée de divulgation soit construit à proximité de l’aéroport. Mais, qui sait... Face à 60 mammouths et des sépultures humaines, l’enthousiasme pour la paléontologie gagnera-t-il peut être les autorités...?
Aguada Fenix, l’énigmatique
L’autre grande nouvelle, cette semaine, est la découverte du “plus ancien site maya connu à ce jour”, à l’extrême ouest de l'Etat de Tabasco, à une petite vingtaine de kilomètres à peine de la frontière avec le Guatemala. L’information a d’abord été publiée le 3 juin dans la revue Nature, avant d’être très largement relayée par les médias généralistes du monde entier. Côté francophone cette fois, c’est le branle-bas de combat : FranceInfoTV, Le Monde, Courrier international, The HuffingtonPost, Futura Science ou encore la revue suisse Bilan nous expliquent ainsi qu’il s’agit d’un très vaste site, probablement construit entre 1 000 et 800 ans avant J.-C., dont la principale structure a été baptisée Aguada Fénix au Mexique (... et Aguada Felix en Suisse).
Cette structure, nous précisent ces médias, est elle-même imposante (400 mètres de large, 1 400 m de long et 10 à 15 m de haut) et, surtout... elle est plate, et non pas pas pyramidale; ce qui pose évidemment de nombreuses questions. Qui, il y a 3 000 ans de cela, a construit ce site? Est-il bien l’œuvre de sociétés mayas préclassiques (relativement peu connues, contrairement à celles de l’époque classique) ou bien de populations olmèques (la plus ancienne culture de Mésoamérique, qui se serait développée de 2 500 à 500 av. J.-C. s)? Ce site serait-il le chaînon manquant entre ces deux civilisations? Et comment interpréter cette structure plate? Peut-on en déduire qu’il s’agissait d’une société égalitaire (à l’opposé de ce que sont devenus les Mayas)?
L’autre particularité de cette découverte, plus technique celle-ci (et qui, ostensiblement, fascine la presse internationale) est qu’elle a été rendue possible grâce à la télédétection laser. Un Lidar (l’équivalent d’un radar qui utiliserait les rayonnements de la lumière) embarqué dans un avion a calculé et enregistré les données au sol de centaines de km2 de jungle, pour les restituer en cartes 3D, évidemment beaucoup plus parlantes que la réalité. L’équipe scientifique à l’origine de cette découverte, coordonnée par le profeseur Takeshi Inomata de l’Université de l’Arizona à Tucson (Etats-Unis), aurait ainsi repéré une vingtaine de sites dans un rayon de 800 km2... dont la longue, très longue plate-forme d’Aguada Fénix.
Et à ce stade, après tant de semaines de confinement, le doute s’installe inévitablement. L’apparition d’une “piste d’atterrissage pré-hispanique” en plein sur le tracé de la 1ère section du Train Maya, entre les futures gares de Tenosique et Escárcega; cela alors même que, 1.000 km au nord, un contingent de plus en plus important de mammouths devraient ―selon toute logique scientifique et patrimoniale― freiner la construction de l’aéroport de Santa Lucia... tout cela est-il vraiment le fruit du hasard? Ces événements ne portent-ils pas des significations qui nous dépassent? Un message codé sur mesure à l’adresse du chef du gouvernement?... Tel que (par exemple) : “ne coupez pas les budgets de la culture et de la recherche”, ou alors “freinez un peu les grands travaux et pariez plus sur la protection du patrimoine historique et environnemental national”...
L'hypothèse est posée.
©Masiosarey, 2020
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