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Masiosarey

"Mad Men" ! Semaine du 27 mai au 2 juin 2019


©Masiosarey, 2019

"N'importe qu'elle publicité est une bonne publicité"

A croire Andy Warhol, Donald Trump serait, dans ce cas, le meilleur "Mad Man"* du Mexique! Il est en effet frappant que ce pays soit, à ce point, devenu un point de mire de la presse francophone, et en particulier française, depuis que, chaque semaine ou presque, le président des Etats-Unis réussisse le tour de force de mettre ce pays au coeur de l'actualité internationale, avec un nouveau scoop (comprendre tweet).

Les velléités trumpiennes de souffler le chaud et le froid dans la relation avec le Mexique relèvent d'ailleurs du feuilleton à rebondissements. Après les taxes sur la tomate mexicaine (voir Masiosarey), après l'annulation des tarifs douaniers sur l'aluminium et l'acier (voir Masiosarey), la semaine dernière, le président américain, -probablement agacé par la voie judiciaire que prend le financement de son mur à la frontière (voir Masiosarey)- menace le Mexique d'imposer de nouveaux droits de douanes sur tous ses produits exportés vers le marché étasunien, si ce pays ne prend pas de mesures efficaces pour lutter contre la migration à sa frontière sud.

Stupéfiante menace

Le quotidien Le Monde prend le sujet très au sérieux et sollicite ses correspondants aux Etats-Unis et au Mexique pour dresser un panorama des deux côtés de la frontière. Aux Etats-Unis, apprend-on, les inquiétudes suscitées par cette annonce sont bien réelles et se manifestent jusque dans le camp du président. En effet, l'intégration des deux économies est telle qu'une augmentation des tarifs douaniers entraîneraient mécaniquement une augmentation des prix à la consommation aux Etats-Unis (Le Monde, 31/05/2019). Citant le Washington Post, le journaliste de Le Monde avertit par ailleurs qu'une récession économique au Mexique entraînerait aussi sûrement une reprise de la migration mexicaine vers les Etats-Unis, alors que depuis une décennie le solde migratoire est négatif! Le correspondant au Mexique relaie lui aussi les inquiétudes soulevées par la récession économique qui se profile, mais insiste plutôt sur la réponse des autorités mexicaines, en commençant par la lettre que le président Andrés Manuel López Obrador a envoyé au mandataire Etatsunien (Le Monde du 4/06/2019). Des deux côtés de la frontière, les experts sont formels : les économies sont tellement intégrées que les deux pays seraient affectés par les mesures protectionnistes annoncées par D. Trump.

France 24 insiste, pour sa part, sur les incohérences de cette menace et, surtout, souligne qu'il ne faut pas réduire les échanges entre le Mexique et les Etats-Unis aux exportations d'avocats (qui ne représentent que 1% des échanges entre les deux pays). La chaîne française rappelle que le bien le plus exporté par le Mexique est la voiture, et que cette dernière n'est pas du tout mexicaine. Ainsi les premières victimes de la hausse des tarifs douaniers seront les constructeurs de voitures japonais et... étasuniens. En conclusion, le média prédit une Amérique "great again", mais qui roulera en voitures... allemandes! France 24 s'interroge aussi sur la logique de cette menace, alors même que l'administration Trump est en train de faire ratifier le nouveau TLC (T-Mec) dont les négociations ont quand même constituées la principale Telenovela de l'année 2018. Enfin, le média émet des doutes sur l'efficacité de la stratégie de Trump dans la guerre commerciale qui l'oppose à la Chine. Citant l'ancien ambassadeur du Mexique en Chine, France 24 explique ainsi que la Chine ne voit probablement aucune urgence à négocier et faire des concessions avec un pays qui pourrait unilatéralement décider d'ériger des barrières douanières quand bon lui semble.

Un argument qui fait écho... car face à la plongée des cours des bourses financières mondiales provoquée par l'annonce d'une nouvelle guerre commerciale entre le Mexique et les Etats-Unis, Les Echos reprennent l'interrogation légitime de Khoon Goh, responsable de la recherche chez Australia & New Zealand Banking Group à Singapour: à quoi bon un accord commercial s'il ne réduit pas la menace de tarifs douaniers arbitraires? Dans le bras de fer commercial engagé avec l'administration Trump, le Mexique fait, une nouvelle fois, office de laboratoire que les pays du monde entier observent avec attention. Alors que l'adoption du T-Mec avait démontré que David pouvait négocier avec Goliath, la nouvelle sortie de Trump tendrait à démontrer que les accords commerciaux ne servent pas à grand-chose.

Du rififi dans son propre camp

Radio Canada de son côté s'intéresse aux répercussions politiques internes de cette annonce aux Etats-Unis. En effet, la fronde contre la nouvelle sortie du président Trump semble, cette fois, venir de son propre camp. Des sénateurs républicains s'affirment même prêts à bloquer l'initiative présidentielle. Ce à quoi, depuis Londres, Trump répond : "absurde", puisqu'il bénéficie d'un soutien "phénoménal" de la base républicaine. Si les réseaux sociaux au Mexique se sont beaucoup moqués de l'empressement du ministre des relations extérieures mexicain à se précipiter à Washington, alors que son homologue était au Royaume-Uni, il semblerait que le chef de la majorité républicaine au Sénat attende, lui, des résultats positifs de la rencontre américano-mexicaine, avant de se prononcer.

Dans un autre article, Radio Canada insiste : même le gouverneur républicain du Texas, Gregg Abbott, est vigoureusement opposé aux taxes douanières! La Chambre du Commerce des Etats-Unis, pour sa part, analyserait la possibilité de saisir les tribunaux pour bloquer la mesure. Du côté des producteurs agroalimentaires étasuniens, le soutien à Trump n'est pas non plus évident. Rick Helfenbein, président et directeur général de l'American Apparel & Footwear Association, explique ainsi que les secteurs les plus affectés par ces mesures seront, une nouvelle fois, les agriculteurs... Et oui, ils perdent aussi des marchés. C'est d'ailleurs ce qui s'était passé lors de la crise de l'aluminium et de l'acier ; en représailles aux soudaines mesures "anti-dumping" étasuniennes, le Mexique avait en effet augmenté ses tarifs douaniers sur certains produits agricoles (voir encore Masiosarey).

"Tranquilo, tú tranquilo..."

Radio Canada, toujours, relève la posture d'apaisement du gouvernement mexicain. La radio cite de longs passages de la lettre envoyée par AMLO à Trump. Tout en notant que, de son côté, le Canada reste sur son quant-à-soi. Chrystia Freeland s'est en effet bien gardée de se prononcer sur le fond du sujet et aurait déclaré "La question des frontières, c'est un enjeu bilatéral, et nous respectons ce fait". Sauf que, comme le relève le média canadien, la signature du nouveau T-Mec risque de se compliquer.

Capital, en revanche, insiste sur la "contre-offensive" mexicaine. La délégation mexicaine qui s'est rendue à Washington affûterait ses armes. Et le média relaie la posture de fermeté affichée par le chancelier mexicain, Marcelo Ebrard, qui entend bien ne pas se laisser menacer. Ce dernier rappelle les efforts de la nouvelle administration mexicaine pour lutter contre le flux de migrants, majoritairement centraméricains, qui arrive au Mexique ; avant de souligner que c'est en développant économiquement l'Amérique centrale que l'on stoppera l'hémorragie.

Alors qu'au Mexique, c'est Marcelo Ebrard qui semble optimiste quant à l'issue des discussions, Capital préfère mettre en avant l'optimisme de Kevin Hassett, conseiller économique du président américain. Et ce, même si, toujours selon Capital, la rencontre entre la ministre de l'économie mexicaine Graciela Marquéz et le secrétaire d'état au commerce Willbur Ross, a débouché sur un communiqué de ce dernier, réitérant les menaces du président Trump...

Et voilà comment, alors que la crise commerciale entre les trois pays d'Amérique du nord semblait avoir été surmontée, que le flambant neuf T-Mec prenait le chemin de la ratification dans les trois pays signataires, et que les réflecteurs étaient tous pointés vers la Chine... Donald Trump réussit à réimposer le Mexique dans l'espace médiatique international. Plus besoin de Promexico ou autres campagnes coûteuses pour promouvoir le pays, voici Trump, le nouveau Séguéla du Mexique!


©Masiosarey, 2019

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