top of page
Espace entreprises
Rechercher
Masiosarey

«Personne ne devrait mourir pour avoir fait son travail» Daniela Rea, lauréate du premier Prix Breac


Ce 3 mai, Journée internationale de la liberté de la presse, prend une tonalité particulière au Mexique, un des pays aujourd’hui les plus dangereux pour l’exercice du métier de journaliste. C’est le jour choisit pour remettre le Prix Breach/Valdez de journalisme et des droits de l’homme. Et pour sa première édition, il a été décerné à la journaliste mexicaine Daniela Rea.

Dianela Rea reçoit le prix des mains de Griselda Triana et de José Reveles ©Masiosarey, 2018

Le Prix Breach/Valdez est appelé à faire parler de lui, et a été créé par le Bureau mexicain du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Droits de l’Homme (ONU-DH) et le Centre d’information des Nations Unies au Mexique (CINU México), la représentation au Mexique de l’UNESCO, l’Université Iberoamericana et son programme Presse et Démocratie (PRENDE), l’Agence France Presse et l’Ambassade de France au Mexique qui ont ainsi tenu à marquer leur engagement aux côtés des journalistes mexicains.

Ne jamais oublier

Ce prix, du nom de deux journalistes mexicains assassinés en 2017 – Miroslava Breach et Javier Valdez– et en hommage aux 115 professionnels de presse tués ainsi qu’aux 24 journalistes disparus en faisant leur métier depuis 2000*, est une reconnaissance essentielle, alors que la liberté de la presse est régulièrement menacée au Mexique. Une reconnaissance qui a aussi, malheureusement, un goût amer.

Car comment se réjouir totalement, s’interroge Daniela Rea, de ce premier Prix Breach/Valdez, qu’elle vient de recevoir des mains de la veuve de Javier Valdez, Griselda Triana, et du journaliste Pepe Reveles.

« Essayons d’imaginer la famille, les amis qui attendaient les journalistes chez eux, le jour où ils ont été tués"

Daniela Rea ©Masiosarey, 2018

A travers ce Prix, Daniela Rea rend hommage à ces journalistes qui sortent tous les jours malgré les dangers, l’impunité, la solitude et la douleur « d’avoir perdu un collègue ». Elle en profite également pour évoquer la situation de précarité dans laquelle la plupart d’entre eux vivent en rappelant le prix dérisoire payé pour leur travail. Enfin, la jeune journaliste tiendra à lire, un à un, les noms des 115 journalistes mexicains assassinés depuis 18 ans. Une litanie terrible et sans fin, pour rappeler l’horreur de ces vies fauchées, de ces familles brisées par la violence. Un discours bouleversant qui en dit long sur le courage et l’engagement de toute une nouvelle génération de journalistes mexicains…

Daniela Rea ©Masiosarey, 2018

Une nouvelle génération de journalistes mexicains

Engagée depuis plusieurs années dans la pratique d’un journalisme rigoureux et indépendant, placé sous le sceau de l’empathie et de l’humilité, Daniela Rea représente bien une nouvelle génération de professionnels de l’information mexicains : formés, extrêmement informés, rodés au travail en réseaux et aux nouvelles technologies, très conscients de leur responsabilité sociale, mais aussi quotidiennement confrontés aux effets de la violence sur la société mexicaine. Une génération que les institutions à l’origine de ce prix ont justement voulu reconnaître et appuyer.

Federico Mastrogiovanni ©Masiosarey, 2018

Membre fondatrice de l’organisation Periodistas a de Pie, Daniela Rea fait ses premiers pas de journaliste dans le Veracruz où elle se spécialise dans les thèmes sociaux puis collabore jusqu’en 2012 avec le quotidien Reforma. Elle travaille particulièrement sur les thématiques liées aux droits de l’homme et à l’impact social de la violence déchaînée par la guerre des cartels de drogue. Elle ne s’est jamais satisfaite des explications officielles, explique Federico Mastrogiovanni, coordinateur du Programme Prensa y Democracia (PRENDE-IBero), s’inscrivant ainsi dans la lignée d’un journalisme critique et conscient de son rôle essentiel pour la société. En 2013, elle a reçu le Prix PEN México.

Car, depuis plusieurs années maintenant, les journalistes mexicains sont devenus, aussi et par la force des choses, des défenseurs des droits de l’homme, explique Giancarlo Summa, directeur du Centre d’information des Nations Unies au Mexique. Et, aujourd’hui, la violence s’exerce également contre eux. Il n’y a donc pas d’autre choix que de résister : car la liberté de la presse est le principal mécanisme qui permet aux citoyens de prendre des décisions informées et critiques… sans presse libre, il n’y a pas de démocratie. C’est en substance le message qu’ont également fait passer Michèle Léridon, Directrice de l’information de l’AFP, venue de Paris pour l’occasion, et de l’ambassadrice de France au Mexique, Anne Grillo, dans leurs interventions respectives.

La défense de la liberté de la presse est donc un engagement collectif. Et ce Prix est appelé à s’instituer. L’appel pour le deuxième Prix Breach/Valdez de journalisme et des droits de l’homme, parrainé ni plus ni moins que par la journaliste mexicaine Carmen Aristegui, sera lancé au deuxième semestre 2018. Il sera remis en mai 2019. Le lauréat recevra une bourse pour suivre la formation du programme Presse et Démocratie (PRENDE) de l’Université Ibéro, une des plus pointue et complète en matière de formation des journalistes aujourd’hui au Mexique, ainsi qu’un séjour d’une semaine en France pour présenter son travail aux médias et organismes français, mais aussi à l’UNESCO.

Félicitations à la lauréate 2018 !

Pour en savoir plus sur Miroslava Breach et Javier Valdéz

Miroslava Breach était une journaliste ancrée localement dans une zone bien connue pour les luttes liées au narcotrafic, l’Etat de Chihuahua. Le 23 mars 2017, elle est tuée en pleine rue. Selon la journaliste Carmen Aristegui, qui rapporte alors les propos du fiscal de Chihuahua, les travaux de la journaliste portaient sur les liens entre le cartel des Salazar et certains responsables de la sécurité municipale, ainsi que sur les tentatives de ce cartel pour influencer la désignation des candidats municipaux. Pour plus de détails voir aussi Animal Político.

Le journaliste Javier Valdez était connu pour ses articles sur la lutte des gangs et le narcotrafic. Journaliste pour l’Agence France Presse et pour l’hebdomadaire Proceso, il avait fondé un journal en ligne dans son Culiacán natal, Rio Doce. Le 15 mai 2017, il est abattu dans sa ville. Les soupçons se portent sur les gangs qui se livrent à une guerre sans merci pour dominer le narco trafic dans cette région de l’Ouest, depuis la (ré)arrestation de El Chapo Guzmán en mai 2017. Mais les doutes quant à une implication des autorités publiques ne sont pas totalement évacués. Car au Mexique et selon l’association Articulo 19, la plupart des menaces contre les journalistes sont le fait de fonctionnaires publics (masiosarey). Il y a une semaine, les auteurs présumés du crime de Javier Valdez ont été arrêtés (Riodoce).

Ces deux meurtres ont commotionné l’ensemble de la profession et de l’opinion publique au Mexique, mais aussi à l’étranger. Comme le reconnaît le correspondant de Le Monde au Mexique, Frédéric Saliba (masiosarey), les journalistes locaux sont les plus exposés et les plus menacés. Ce sont eux qui sont aux prises directes avec les autorités locales qui les menacent, d’abord, puis avec les groupes de narcotrafiquants sur lesquels il enquêtent. Ironie du sort, en 2015, Javier Valdez avait publié un livre Huerfanos del narco, où il faisait le récit de l’assassinat d’un de ses confrères à Ciudad Juarez.

©Masiosarey, 2018

 

* Selon l’organisation Articulo 19 México

Recherche

masiosarey_marron_edited.jpg
bottom of page