"Tu me fais tourner la tête". Semaine du 23 au 29 avril 2018
"Nous avons une relation très spéciale"
Rien ne passe inaperçu chez les grands dignitaires de ce monde! Et l'alchimie manifeste entre le président de la république française et son homologue étasunien n'a pas échappé à la presse mexicaine... qui s'en est donné à coeur joie. Expansión (25/04/2018), notamment, n'a pu s'empêcher de repasser à satiété les images de cette tendre rencontre. "Il est parfait" exulte le président Trump, à propos de Macron. Le Huffington Post Mexico (25/04/2018), de son côté, la joue plutôt roman-photo, avec des commentaires dignes des meilleurs époques de Voici. Mais au-delà de la complicité ostensiblement mise en avant, qu'a pu retenir la presse mexicaine de cette passe d'armes?
Accords et désaccords
Tout d'abord, selon Expansión (24/04/2018), les présidents ont justement abordé des questions sur lesquelles il n'y a, semble-t-il, pas de véritables désaccords; telles que la régulation d'internet ou la lutte contre la radicalisation et le terrorisme. Loin des déclarations fracassantes qu'avait pu tenir, l'année dernière, le président Trump, au sujet de la France "qui n'était plus vraiment la France", Infoabe (24/04/2018) remarque que Trump se rappelle finalement du passé commun des deux pays et de leur alliance, sur le mode "soyons forts et soyons unis"! Et Macron de renchérir, car les fronts communs sont effectivement nombreux ; lutte contre le terrorisme en Syrie et en Afrique, et contre les armes de destructions massives (en Iran et en Corée du Nord)... Les nouveaux gendarmes du monde seraient-ils donc au diapason quant aux pays qu'il faut surveiller (ou bombarder)?... la presse mexicaine ne se prononce pas explicitement, mais note que les deux présidents sont en tout cas synchrones sur la question des fake news (Vaguardia, 25/04/2018). Et si Trump s'en plaint régulièrement, Macron lui a un plan pour lutter contre.
Nous voudrions juste pouvoir suivre Emmanuel Macron lorsqu'il évoque une "nouvelle prospérité" pour les deux nations, basée sur l'innovation et un "commerce libre et juste", (Infoabe, 24/04/2018), sauf que, vu du Mexique et en pleine négociation du Traité de libre commerce, la pilule a du mal à passer!
Les lendemains qui déchantent?
Moins consensuels toutefois, les thèmes du nucléaire Iranien, du climat ou des tarifs douaniers que veut rétablir Trump sur l'acier et l'Aluminium.
Dès le lendemain et devant le Congrès à Washington, le président français lance la première salve. Il se revendique résolument contre l'isolationnisme (La Vanguardia, 25/04/2018), puis il déclare ne pas aimer les leaders autoritaires, ni le cynisme. Enfin, il exhorte le président Trump à ne pas sortir de l'accord nucléaire avec l'Iran. La Crónica (26/04/2018) est encore plus tranchant, en titrant : "Macron détruit la doctrine de Trump". Selon ce quotidien, Macron a même "humilié" le président américain, en insistant sur les points qui fâchent : le désengagement des Etats-Unis des organismes internationaux, la guerre commerciale que livre ce pays, la non coopération des Etats-Unis en matière environnementale... Et La Crónica de remarquer qu'après ce discours, le président Trump n'a pas envoyé son usuel tweet de réaction. El Universal (26/04/2018), pour sa part, tacle (mais gentiment) un président français au "double visage", aimable le mardi et sans compassion le jour suivant, principalement en défiant l'isolationniste américain. Et le journal avance une interprétation de ce revirement : le français serait reparti les mains vides, sans faire changer d'avis le mandataire américain sur la question du nucléaire iranien.
Plus nuancé, El Financiero (25/04/2018) s'emploie a repérer les manifestations d'amitié "cachées" dans le discours´, amicales mais qui ne cachent pourtant pas les dissensions et surtout un message sans équivoque : le repli sur soi et le nationalisme ne solutionneront rien. Car finalement l'objectif des deux présidents est le même, explique El Diario de Yucatán (26/04/2018) : "rendre la planète great again".
Un discours que d'autres quotidiens mexicains perçoivent en revanche plutôt favorable à Trump. C'est le cas de El Diario de Coahuila (25/04/2018), qui insiste sur les moments où Macron fait référence à la longue amitié et à la tradition de collaboration qui unissent les deux pays. Et un autre article de ce même journal insiste sur "la relation spéciale" qu'entretiennent les deux nations (El Diario de Coahuila, 25/04/2018). C'est en tout cas l'opinion que le président français aurait exprimé face à un parterre d'étudiants de l'Université de Washington. Sauf que le journal reproduit des extraits du discours au Congrès, mais sans donner plus de détails quant à une quelconque conférence aux universitaires.
Finalement, Milenio (25/04/2018) donne le mot de la fin au cinéaste Oliver Stone, qui se dit "déprimé par la visite de Macron", qu'il voit comme une preuve du "retour du vieil impérialisme français". Et le cinéaste de rappeler le panache d'un Chirac en 2003, qui n'hésitait pas à défier Georges Bush et à condamner l'intervention en Irak.
Anecdotario
Si les journaux se sont répandus sur les effusions entre les deux présidents lors de leur rencontre à Washington, ils ont également noté que les manifestations d'affection du couple Trump sont plus que réduites. Economía Hoy (25/04/2018) revient sur l'économie des gestes entre Donald et Melania, cette dernière hésitant même à se laisser prendre la main.
Au dîner de gala organisé en l'honneur du couple présidentiel français, il y a eu des tartes au fromage de chèvre, du vin américain (mais issu de cépages français) et une décoration de fleurs de cerisiers... cela rappelle quelque chose aux lecteurs de Masiosarey? (Voir notre note sur les Jacarandes). Un dîner de gala que la First Lady, contrairement à ses prédécesseures, aurait organisé toute seule, en supervisant les moindre détails (Expansión, 25/04/2018).
Le discours de Macron à Washington, nous explique Expansión (25/04/2018), coïncide avec le 58ème anniversaire du discours prononcé par le Général De Gaulle devant le Congrès américain... Une autre clé pour comprendre les velléités du jeune président Macron, dans un discours somme toute très...gaulien?
L'histoire du chêne pourrait aussi être un véritable baromètre d'une rencontre mi figue-mi raisin. Les deux couples, dans un élan d'enthousiasme, ont planté un chêne provenant d'un ancien champs de bataille de la Grande Guerre. Mais, le lendemain, l'arbre avait disparu! El Universal (29/04/2018) consterné par cette disparition, cite l'enquête de France Info : ce n'était pas la bonne saison pour le planter! L'ambassadeur de France à Washington aurait aussi sa version : l'arbre aurait été mis en quarantaine. Il sera replanté plus tard (UnoTV 30/04/2018). Une déclaration opportune pour couper court à toutes spéculations sur une réaction intempestive de Donald suite au discours d'Emmanuel au Congrès! Et dire que l'on pensait que la diplomatie était ennuyeuse!
Enfin, une visite officielle le serait moins si une revue ne décryptait pas entièrement et exhaustivement les tenues de l'amphitryonne. Et c'est Quien (25/04/2018) qui s'y colle. Même si Brigitte est "belle et élégante" (dixit la revue), c'est quand même Melania qui attire les regards avec un "total look" blanc d'un célèbre designer américain, avant de faire honneur à un C français, collection printemps 2018. C'est d'ailleurs tout de blanc vêtues que les deux premières dames sont allées voir l'exposition de la Galerie nationale d'art de Washington où 60 oeuvres impressionnistes sont actuellement exposées. Brigitte était intéressée et a même posé des questions selon Infoabe (25/04/2018). De la diplomatie du jupon... pardon... de la culture!