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… c’est le nombre de séismes enregistrés en 2017 par le Service sismologique national (SSN); 49.7% d’entre eux avaient leur épicentre dans l’Etat de Oaxaca. En ces temps mouvementés, Masiosarey a voulu en savoir un peu plus sur le système de surveillance sismique mexicain…
Commençons donc par le Service sismologique national (SSN). Cet organisme public, créé le 5 de septembre 1910, sous la tutelle de l’Institut Géologique National (lui-même alors dépendant du Ministère des mines et du développement), a une vocation avant tout scientifique. Il s’agissait pour le Mexique –un des 18 membres fondateurs de l’Association Sismologique Internationale créée en 1904 en France– de confirmer son entrée dans la modernité : le SSN se dote donc des instruments les plus modernes de l’époque et, en 1923, 9 stations sismologiques mécaniques auront déjà été installées de part et d’autre du territoire, de Mérida à Monterrey (la station centrale étant pour sa part basée à Tacubaya)*.
En 1929, le SSN est absorbé par l’Université nationale autonome du Mexique, mais son réseau se limite longtemps à une vingtaine de stations d’enregistrement et de suivi (qui ne permettent d’ailleurs pas de détecter les séismes en temps réel). Son développement s’accélèrera véritablement à partir des années quatre-vingt. En 1986 notamment, le SSN récupère sous sa coupe directe le RESMARC (Red Sísmica de Apertura Continental), un réseau de détection et d’enregistrement informatique des évènements sismiques et de diffusion quasi simultanée des données. Le Mexique se dote ainsi d’une double couverture sismique –mécanique et informatique– et, surtout, d’un système de détection en temps réel; en bref, un précieux réseau (la Red Sismológica Nacional) qui ne cessera de s'améliorer au fil des avancées technologiques. La SSN-UNAM compte aujourd’hui 22 observatoires sismiques et 61 stations de diffusion haut débit à travers le pays, qui lui permettent de mesurer les principaux paramètres de tous les séismes enregistrés sur le territoire mexicain : magnitude, localisation et coordonnées géographiques de l’épicentre, profondeur, etc.
Toutefois, le SSN n’a de système d’alerte. Cette fonction, bien différente, est assurée par un autre dispositif progressivement mis en place depuis le tremblement de terre de 1985.
Comment fonctionne le SASMEX ?
Le Système d’Alerte Sismique mexicain a été développé et est aujourd’hui encore opéré par une association civile, le CIRES (Centro de Instrumentación y Registro Sísmico A. C.), fondée en 1986, sous l’impulsion de la Fondation Javier Barros Sierra.
L’enjeu : donner du temps aux habitants de l'aire métropolitaine de la Vallée de México pour qu'il puissent évacuer les bâtiments. Le système d’alerte de la Ville de México (SAS), qui se monte entre 1989 et 1991, repose alors sur 12 stations, installées principalement sur la Côte du Guerrero, à leur tour reliées au réseau de l’Asociación de Radiodifusores del Valle de México, A.C. (ARVM) chargé de retransmettre l’alerte. L’initiative est pionnière et offre aux capitalinos 100 secondes (en moyenne) pour réagir avant de sentir les secousses. Le succès est immédiat. En 1993, ce système est reconnu comme un service public.
En 1999, l’état de Oaxaca s’associe à son tour au CIRES pour développer un système d’alerte propre, pour sa capitale, le SASO. Doté de 37 stations installées le long de la côte pacifique, le SASO sera inauguré en 2003.
En 2005, les autorités de Oaxaca et de la Ville de México et le Ministère mexicain de l’Intérieur (Secretaría de Gobernación) passent à la vitesse supérieure et conviennent de mettre en relation les deux systèmes SAS et SASO, afin de maximiser leurs potentiels. Ils s’accordent également pour utiliser la "Plataforma México", le réseau de diffusion la SEGOB, pour transmettre également les alertes. C’est la création du Système d'alerte sismique mexicain (Sistema de Alerta Sísmica Mexicano, SASMEX®), qui prend, finalement, une dimension fédérale. A cette époque, et assez logiquement, le SASMEX élargit sa couverture à d’autres régions « sismiques », telles que Jalisco, Colima, Michoacán, Guerrero ou Puebla…** tout en cherchant à minimiser les temps de diffusion des alertes à travers le pays.
En 2010, le gouvernement de la Ville de México décide de moderniser son SAS, en installant 64 stations senseurs, également connectées au SASO de Oaxaca. En 2012, il installe 50.000 récepteurs d’alerte dans les écoles et installations publiques.
Le SASMEX, en coordination avec les autorités de protection civile, ne s'active –en théorie– que si la magnitude du séisme dépasse 6 sur l'échelle de Richter; l'énorme majorité des secousses enregistrées chaque année n'est donc pas signalée. Au delà de 6, le SAS peut alors diffuser deux types d’alerte : une alerte préventive (Alerta Preventiva) pour des mouvements modérés et une alerte publique (Alerta Pública) en cas de séisme important.
Beaucoup plus anecdotique, mais bien utile pour relativiser (un peu) le stress provoqué par chaque retentissement de sirène, sachez que la voix diffusée par les haut-parleurs est celle de Manuel de la Llata García, un présentateur et acteur de doublage mexicain décédé en 2016, qui a donné sa voix, ni plus ni moins qu'à Superman ou à Han Solo!
©Masiosarey, 2018
* 7 des 9 premiers sismographes installés au début du XXème siècle sont encore en activité.
** Les Etats de Veracruz et du Chiapas, ainsi que la région nord du Oaxaca restent encore hors champs du SASMEX, et le Chiapas par exemple a finalement opté pour un système d’alerte privé.