... un concert massif de rock au Mexique!
Dédié à tous ceux qui pensent que les mexicains ne chantent que sur le son des mariachis ou des rancheras !
J’avais oublié ce qu’était un concert de rock massif... J’avais oublié l’émotion partagée, l’euphorie, l’extase suprême qui vous envahit quand votre groupe favori entonne les premières notes de LA Chanson !
A un âge où l’on va plus souvent aux concerts de musique de chambre ou –allons, soyons fous!– dans un club de jazz, je n’ai pu m’empêcher de revivre le rite de passage qu’est un concert massif de rock. Mexico, c’est un peu comme Paris, l’offre de spectacle est intarissable. Ainsi ce soir-là, y avait-il deux concerts massifs au même moment : un groupe de pop qui aime farouchement les animaux de compagnie ; un autre qui se prend depuis longtemps pour un avion (vous devinez ?)
Là où j’ai su que je vieillissais, c’est qu’en début d’après-midi, billets bien en main, je ne sentais pas vraiment les papillons dans le ventre, l’excitation qui naît de l’anticipation de quelque chose de grand, de rock quoi !
En fait, mes préoccupations étaient plus prosaïques :
- Comment arriver à l’endroit (temple des évènements massifs près de l’aéroport… vous ne devinez toujours pas ?) ?
- Comment, surtout, en repartir. Car à 22h00 (mon estimation de l’heure de fin), l’idée de me retrouver dans une foule se précipitant vers le métro me semblait impensable !
- Qu’est-ce que j’allais manger ?
- Comment me réveiller le lendemain ? Car même à 22h00 (décidément naïve !), plus une à deux heures de route, j’allais vraiment veiller tard !
Et puis la question qui me turlupinait le plus : ça se passe comment un concert massif de rock à Mexico ? Car je l’avoue, pendant toutes ces années, le spectacle le plus massif auquel j’ai assisté restait celui de Chavela Vargas, sur le Zócalo !
Prévoyante avant tout, j’arrivais une heure avant le début du concert, sous un ciel très irlandais, qui alternait passages nuageux et rayons de soleil (toujours pas deviné ?). Et deux doutes m’assaillirent d’un coup. D’abord, une rangée de policiers (équivalent du CRS dans les évènements massifs au Mexique) balisait le mur d’enceinte du concert et là, petites sueurs froides : cela augurait-il de débordements récurrents lors des concerts massifs ? N’étant pas de nature aventureuse, le risque de terminer « al torrito » ne me semblait guère engageant. Pourtant, de la manière la plus aimable qui soit, un membre de cette honorable profession a répondu sans ambages à toutes les questions logistiques que j’ai pu lui poser. Puis, j’ai commencé à prendre conscience de la relative absence de foule. Là où j’attendais des queues monstrueuses au coude à coude, rien. Ou plutôt quelques badauds, déambulant tranquillement dans les allées ; pour une prise de conscience, un peu douloureuse, il faut l’admettre : j’étais une has been, qui allait voir un groupe de rock que plus personne ne vient voir !
Et puis, la curiosité l’emporta sur la déception, à mesure que je pénétrai dans l’allée de la vente illégale-légale. Là, une flopée de vendeurs ambulants, autorisée à vendre à l’entrée du stade –légalement donc– des objets et tee-shirts à l’effigie de notre célèbre groupe de rock... en bref, des produits totalement illégaux ! Le légal-illégal bien mexicain.
L’entrée dans le sacrosaint Foro Sol a, elle, tout de suite mis à mal mes illusions d’encanaillement (si j’en avais eu un tant soit peu !). Pas de jeunesse décadente, pas de loubards en mal d’aventure, pas de fanatiques de la Arena Mexico… mais plutôt une bande de quadragénaires, fraîchement sortie du bureau et qui avait laissé les cravates dans les voitures. Visiblement aussi, ô grand sentiment de solidarité et de corps social, aussi perdus que moi, pour la première fois dans ce temple des évènements massifs !
Et puis, lentement mais sûrement, l’espace s’est rempli, preuve que cette classe d’âge est vivace à Mexico ! Mes craintes de mourir de soif et de faim étaient largement infondées : des petits postes de vente se situaient dans l’enceinte même du Foro. Et si vraiment vous ne pouviez pas vous déplacer, des serveurs, habillés en serveurs (oui, je vous le jure!), passaient entre les spectateurs avec une dextérité qui ferait pâlir d’envie les garçons du Crillon de Paris ! Une première bière, pour fêter l’occasion ; une deuxième bière pour le plaisir d’être ensemble ; une troisième pour saluer le chanteur en première partie ; une autre encore pour trinquer avec tous ces nouveaux amis que l’on aime « un chingo »… à partir de là, c’est le verre en plastique à l’effigie du groupe que j’ai dû trimbaler pendant tout le concert… Et les serveurs continuaient leurs allées et venues, le mezcal ayant peu à peu remplacé la bière… Quand, tout d’un coup, l’écran a changé de couleur pour laisser apparaître ce fameux cactus des déserts mexicains sur fond rose fushia (vous ne devinez pas encore ?) et… les premières notes du dimanche sanglant (vous êtes impardonnables !) ont raisonné, la foule en délire a commencé à hurler et à sauter…
Conclusion, mon groupe favori, la cinquantaine bien tassée, déménage encore et réussit à faire sauter 65.000 personnes à l’unisson. L’occasion de grandes révélations :
Je ne suis pas cardiaque…
La catharsis d’un concert vaut toutes les thérapies du monde !
Je n’aime vraiment pas la bière blonde.
Les mexicains, comme moi, ne connaissent pas les paroles des chansons en anglais.
Les toilettes du Foro Sol méritent un record Guiness du temps d’évacuation des 65.ooo vessies.
Il me fallait ABSOLUMENT mon tee-shirt souvenir…
A la fin du concert, notre groupe s’est donc précipité pour acheter tout ce qui lui tombait sous la main, pour la fille, la petite sœur, le grand-père… chez les illégaux-légaux, cela va de soi !
©Masiosarey, 2018