« L’Alliance française de Querétaro est à une étape importante de son histoire »
Yann Lapoire en est sûr : l’Alliance française de Querétaro va amorcer une nouvelle étape. Car, à l’image de la ville de Querétaro qui attire de plus en plus d’étrangers et se développe à tout va, son institution ne peut que grandir…
El efecto mariposa, Zdey, 2017. Mural réalisé dans le cadre du Cut Out Fest 2017
Avec une trentaine d’employés (environ dix administratifs et une vingtaine de professeurs de français), l’Alliance française de Querétaro « est une belle Alliance » explique à Masiosarey, Yann Lapoire qui vient de prendre la direction de cette équipe. En 2019, « elle fêtera son 60ème anniversaire et cela grâce au travail et à l’engagement de différentes personnes de la société mexicaine qui ont œuvré successivement pour la faire vivre, et en particulier la Mtra Guadalupe Flores Angeles, qui fut directrice pendant plus de 20 ans et qui assure la Présidence depuis le début des années 2000. »
Aujourd’hui, l’Alliance Française est confrontée à un nouvel « enjeu de développement, qui est la conséquence du développement de la ville. ». Et pour aborder cette nouvelle étape, le nouveau directeur est enthousiaste.
Renforcer les 3 principales missions d’une Alliance française
La diffusion de la culture française à travers l’enseignement du français à l’étranger ? Une grande idée née en 1883 et une mission encore d’actualité, comme l’explique Yann Lapoire. « Nous sommes avant tout une école de français, et nos revenus proviennent de la vente de cours de langue. Mais nous sommes aussi un acteur local, qui a tout sa place dans le débat et qui a un rôle à jouer dans l’animation du territoire. C’est encore plus vrai dans les villes où il n’y a pas d’ambassade ou de bureau, parce que nous y sommes les premiers représentants de la France. »
« A Querétaro, nous voulons développer des projets autour de questions qui sont assez transversales au Mexique, et qui sont finalement en accord avec les missions des Alliances françaises : l’enseignement du français, la diffusion de la culture française et l’alimentation du débat d’idées », cher à la France.
Côté enseignement, l’Alliance de Querétaro accueille environ 900 étudiants sur l’année. Mais, « en termes d’offre de cours, l’Alliance a une stratégie interne et externe ». « Nos professeurs promeuvent aussi le français ailleurs : dans des écoles, des établissements universitaires et dans des entreprises. Nos élèves viennent pour l’amour de la langue, mais aussi parce que cela fait partie de leurs stratégies professionnelles » précise Yann. Et la tâche n’est pas aisée, car le français est (ce n’est pas nouveau !) talonné par l’Allemand, qui –d’après les observations des coordinateurs pédagogiques sur le terrain– semble prendre du galon notamment dans les zones industrielles.
Côté diffusion culturelle, l’Alliance française de Querétaro montre qu’elle a de la suite dans les idées. Car en l’absence d’infrastructure adéquate (sans salles de spectacle), il est difficile de développer une programmation traditionnelle, in situ. « De ce fait, cela nous oblige à aller vers les autres, à trouver des partenariats. Et c’est très bien, car l’idée d’agir de concert avec les autres acteurs culturels locaux est un atout pour diffuser notre programme et nous faire connaître. Même si nous sommes obligés d’identifier des artistes qui font écho ». En bref, résume Yann Lapoire : « Nous nous voyons un peu comme un « acteur du territoire », qui peut intervenir sur différents champs sans devoir se restreindre au seul apprentissage de la langue ».
Aborder des sujets transversaux
Et être un « acteur du territoire » c’est avant tout s’intéresser à ce territoire. Le directeur de l’Alliance française de Querétaro nous expose donc les projets qu’il a pu développer dans ce sens et ceux qu’il souhaiterait mettre en œuvre.
En début d’année, « nous avons eu l’opportunité d’inviter Frédéric Dumond, un auteur français alors en résidence, qui travaille sur les langues disparues et sur la problématique de la préservation des langues. Pendant son séjour, il s’est particulièrement intéressé aux Otomis et, avec la collaboration de l’Université Autonome de Querétaro (UAQ), il a pu aller à la rencontre de cette communauté, notamment à Amealco ou San Ildefonso. Il a ainsi soulevé des questions d’ordre sociologique, touchant à la place des langues et des quelques 25 ou 26 groupes ethnolinguistiques présents dans l’Etat de Querétaro. C’était passionnant. En tant qu’école de français, aborder la question des langues, de leur diversité et de leur richesse, tout comme l’opposition entre langues dites dominantes et langues dites mineures, nous semble particulièrement enrichissant ».
Bien entendu, il n’est pas question pour ce représentant de la culture française d’abandonner les thèmes de prédilection de la culture française à l’étranger, tels que la gastronomie ou la culture du vin. « Il faut préserver tout cela » nous assure Yann Lapoire. Mais l’idée est aussi de proposer une offre culturelle différente. « Nous pensons qu’il est toujours intéressant d’appréhender le fond des choses, et cela est particulièrement vrai avec les résidences d’artistes, qui permettent à nos invités d’avoir plus de temps pour comprendre le contexte. Notre idée est de montrer comment le regard français peut transformer ou apporter quelque chose. Mais l’inverse est aussi vrai. C’est sur la qualité de ces échanges que l’on voit notre capacité à cultiver l’interculturalité. » explique Yann. Et le contexte actuel semble propice, car à Querétaro la vague francophile coïncide avec un essor économique, mais aussi avec une attente croissante sur le terrain culturel.
Quant à l’avenir, les questions que souhaiterait aborder le tout nouveau directeur sont multiples, car Yann Lapoire porte un regard attentif sur le Mexique et, selon lui, certains sujets, plus sensibles, peuvent justement être abordés par le biais de la culture. « La situation des communautés indiennes, celle plus invisible des afro-descendants, les questions liées aux personnes en fragilité… autant de sujets que l’on souhaite mettre en débat, mais pas de manière frontale, sinon à travers le champ de la culture et de l’art. Au final, il s’agit de problématiques que l’on retrouve aussi en France, même si les enjeux sont différents » estime-t-il. La question de l’écologie et du changement climatique semble être une question qui le touche particulièrement. En effet, note-t-il, à l’arrivée au Mexique les pratiques individuelles et les habitudes personnelles de tri ou d’achat responsable se confrontent à ce qui se pratique sur place. « On se rend compte, par exemple, que le tri n’est pas une priorité. Mais en creusant un peu, on trouve aussi des initiatives – transition écologique, coopérative alimentaire etc. - très intéressantes, une dynamique à l’œuvre à Querétaro, encore minoritaire, mais qui est appelée à prendre plus de poids dans l’avenir » constate Yann Lapoire.
«Très modestement et dans la mesure de nos moyens, nous souhaitons créer des espaces de rencontre, faire connaître les initiatives locales, échanger et faire travailler les gens ensemble. C’est aussi ça notre rôle en tant qu’Alliance française : générer ou cultiver les énergies locales, promouvoir des projets fédérateurs » conclut-il.
Le cap est donc fixé… Souhaitons à toute l’équipe de l’Alliance Française de Querétaro de réussir à mettre en œuvre ces beaux projets.
©Masiosarey, 2018
Le saviez-vous ? Jules Vernes (dont on fête cette année le 190ème anniversaire de naissance), Louis Pasteur, Ferdinand de Lesseps, Ernest Renan, Gaston Maspero ou encore Armand Colin (entre autres personnalités) étaient membres du conseil d’administration de l’Alliance Française de Paris, dont la mission était la diffusion de la culture française à travers l’enseignement du français à l’étranger. En 1884, la première Alliance Française d’Europe ouvre ses portes à Barcelone, rapidement suivent celles du Sénégal, de l’Ile Maurice et de Mexico... qui devient ainsi la 4ème Alliance française au monde (Fondation Alliance ).