Haro sur le changement climatique Semaine du 11 au 17 décembre 2017
En cette frileuse fin d'année, le changement climatique est à l'honneur, avec une couverture médiatique du Sommet de Paris "One planet" particulièrement détaillée dans la presse francophone, mais aussi au Mexique. Et avec une question : le Mexique fait-il son entrée internationale dans le club des bons élèves en matière de lutte contre le réchauffement planétaire?
LE "ONE PLANET SUMMIT"
Mardi 12 décembre donc, le président de la République française, Emmanuel Macron, le président du Groupe Banque mondiale, Jim Yong Kim, et le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, ouvraient le One Planet Summit, qui réunissait à Paris une cinquantaine de chefs d’états et de gouvernements. L’objectif annoncé : réimposer la question climatique dans l’agenda international (notamment après le retrait des Etats-Unis des Accords de Paris) et consolider l’engagement des acteurs politiques, économiques et sociaux autour des questions centrales que sont le financement et la mise en place de politiques volontaristes, ainsi que la mobilisation des acteurs nationaux et internationaux, publics et privés, sur les problématiques liées au climat.
Les médias français et francophones ont bien évidemment largement suivi ce sommet, des plus optimistes au plus pessimistes.
Dans le camp des optimistes, La Croix, LCI, Le Point, Le Figaro (12/12/2017) ont résumé les principaux engagements pris lors de ce sommet; Le Figaro toutefois avec un dossier relativement complet. Mais ce sont TV5Monde, Le Télégramme de Brest, Midi Libre ou Sud-Ouest (12/12/2017) qui présentaient les listes les plus exhaustives (quoique synthétiques) des douze engagements (déclinés en près de 30 projets) qui ont été pris dans le 12 décembre. L’Argus de l’assurance (13/12/2017) s'est, pour sa part, centré sur les engagements spécifiques pris par le secteur de la finance internationale, et plus précisément par huit banques centrales et superviseurs mondiaux, dont la Banque du Mexique, pour, nous dit-il, « verdir » le secteur. Et Québec Municipal (14/12/2017) a insisté sur la contribution de la ministre du Développement durable, de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Mme Isabelle Melançon, qui a présenté les mesures phares mises en place par le Québec en matière de tarification du carbone.
Dans le camp des pessimistes, nous retiendrons principalement l’article très complet de Le Monde (13/12/2017) qui dresse un bilan préoccupant de la dégradation environnementale en cours (et de ses coûts exponentiels), 22 ans après la première Conférence des parties (COP1) de Berlin. Nous noterons également le communiqué de presse d’ATTAC (12/12/2017) qui a le mérite d’ouvrir le débat. Du malencontreux « oubli » de la Banque Mondiale de se désengager, aussi, de tout investissement lié à l’exploitation du charbon, aux effets d'annonce (de la part du Mexique notamment) autour de l'ouverture de nouveaux marchés carbone (des mécanismes qui, nous dit ATTAC, ont pourtant montré leur inefficacité à l’échelle européenne), l'ONG ne rate rien. Surtout, elle déplore l’insistance donnée à la "finance verte" et la confirmation, selon elle, de la tendance au désengagement des États et au transfert des responsabilités vers les marchés et les acteurs privés.
Enfin, si Emmanuel Macron, Jim Yong Kim, Antonio Guterres, Justin Trudeau, Bill gates et même Arnold Schwarzenegger ont fait parler d'eux la semaine dernière à Paris, Enrique Peña Nieto n'était pas en reste. En déplacement pour participer à ce sommet, le président mexicain a publié un texte, en forme de profession de foi, dans le quotidien Les Echos (12/12/2017). Un texte qui peut se résumer par cet extrait : "Nous, les Mexicains, nous savons que le changement climatique est une réalité et nous sommes convaincus de la nécessité d'intervenir sans délai. Nous ne pouvons pas différer nos actions parce que nous serons peut-être la dernière génération de femmes et d'hommes ayant la possibilité de freiner le réchauffement de la planète". Un texte qui a évidemment fait couler beaucoup d'encre au Mexique.
SE POSITIONNER COMME LEADER DE LA CAUSE
Un peu comme l'avait fait avant lui le président Luis Echeverría lors du sommet pour l'environnement de Stockholm en 1972, Enrique Peña Nieto semble vouloir terminer son mandat comme le président de la lutte contre le changement climatique. Comme le titre Segundo Enfoque (13/12/2017), "Le changement climatique est une priorité pour le Mexique", "Une bataille urgente" pour Enrique Peña Nieto. Il s'agit d'une question de "conviction" pour le mandataire mexicain, qui affirme que "l'Accord de Paris est irréversible". Et, stratégies diplomatiques obligent, le Président affirme que son pays soutient depuis le début l'initiative de la France dans ce domaine.
Irréversibilité de l'Accord de Paris? Une formule qui décidément plaît aux médias mexicains. El Universal (13/12/2017), Crónica (12/12/2017) et La Jornada (12/12/2017) s'adonneront à une explication de texte de la formule et de l'article publié dans Les Echos, insistant sur la conviction du président quant à la réalité de la "volonté politique mondiale, matérialisée par l'Accord" de 2015.
Et La Jornada de conclure sur un nouvel extrait du discours présidentiel: "Notre position est ferme: appliquer l'Accord de Paris pour assurer aux générations futures un avenir plus propre, sain et en équilibre avec l'environnement. Nous le faisons avec la conviction que c'est notre obligation, car notre maison est la maison de tous". Pour ceux qui doutaient encore de la volonté politique mexicaine dans le domaine!
LE MEXIQUE, LE BON ELEVE DU SOMMET DE PARIS
Le Mexique, bon élève en matière d'environnement? Apparemment oui, selon El Debate (13/12/2017), car il est le deuxième pays au monde à avoir adopté une Loi contre le changement climatique et à avoir souscrit à l'Accord de Paris en 2016. Et le média de mettre en exergue le bilan que présente Peña Nieto à Paris, à savoir des aires naturelles protégées multipliées par 3 depuis le début de son mandat.
Dans un ingénieux tour de passe passe politique, une mesure de libéralisation des prix sur le marché des hydrocarbures au Mexique se convertit, elle aussi, en mesure phare de la lutte contre les gaz à effet de serre! Ainsi, la suppression des subventions sur le prix des combustibles fossiles (2013) fait-elle partie, selon Televisa (12/12/2017), d'un ensemble de mesures destinées à promouvoir un environnement propre. Et le média mexicain de continuer en citant la panoplie d'actions gouvernementales du moment : l'instauration d'un impôt sur les émissions de carbone, la célébration d'enchères d'énergie électrique et de certificats d'énergie propre ou encore l'adoption d'une réforme énergétique permettant d'augmenter le budget investit dans le domaine... Car cette réforme énergétique tout comme la réforme des impôts ont permis, d'après les propos de Peña Nieto rapportés par La Jornada (12/12/2017), d'impulser l'investissement dans les énergies propres. Ce quotidien lève encore un bout du voile sur les Certificats d'énergie propre en expliquant qu'ils devraient permettre aux entreprises de respecter leur obligation d'introduire dans leur processus de production 5% d'énergies propres. Alors ces certificats, incitation ou obligation? Une véritable question de recherche...
EFFET D'ANNONCE
Quoi de mieux pour apparaître comme le champion de la lutte contre le changement climatique que d'annoncer des mesures concrètes : c'est le pas qui est fait à Paris. Une tribune internationale dont le président mexicain aurait tord de ne pas profiter.
Et l'effet d'annonce le plus important (n'en déplaise à ATTAC) est la participation du Mexique dans l'instauration d'un "marché du carbone", qui serait côté en bourse et auquel participeraient environ 500 entreprises. Le premier pas vise la création d'un marché régional avec la Californie, le Quebec et l'Ontario. Le Mexique promouvra également des crédits "Carbone" vers les pays latino-américains (La Crónica, 12/12/2017). El Diario de Tijuana (12/12/2017).
En conclusion, le Huffington Post Mexico (12/12/2017) détaille fort utilement les trois engagements pris par le gouvernement mexicain, à savoir :
- Créer le marché intra-régional du Carbone, permettant de standardiser les systèmes de détermination des prix
- Augmenter les apports financiers du Mexique au GIEC
- Appuyer la France pour financer des instruments pour l'adaptation et la "résilience" face au changement climatique dans la région Caraïbe.
Un programme certes ambitieux, mais hautement stratégique. Car, après avoir décidé du retrait des Etats-Unis des Accords de Paris sur le climat, voilà que Donald Trump annonce justement ce lundi (WashingtonPost, 18/12/2017) que la lutte contre le changement climatique ne fera plus partie des priorités de sécurité nationale de son pays… Difficile de ne pas établir de lien entre cette nouvelle charge dérégulationniste en matière environnementale et les déclarations de bonnes intentions qui se sont multipliées la semaine dernière à Paris, pendant un sommet quelque peu boudé par le gouvernement fédéral étasunien, mais qui a, semble-t-il, marqué l’engagement international du Mexique sur la question climatique.