Café Milou, une pépite dans la Condesa
Ou de comment les papilles gustatives permettent de surmonter bien des préjugés...
Car nous en avions des préjugés en arrivant, ce dimanche matin, au Café Milou. Préjugés d'abord quant à l'offre gastronomique de la Condesa qui ‒pour ceux qui connaissent le quartier depuis plus de vingt ans‒ peut être bien légitime : une rotation extrême des enseignes, une offre qui parie bien souvent sur l'apparence plus que sur la qualité, des prix largement sur-évalués. Préjugés ensuite, car il faut toujours se méfier des consensus... Or, le bouche à oreille dans le milieu francophone ne tarit pas d'éloges sur le Café Milou. Préjugés enfin car nous sommes réfractaires ‒voire de très mauvaise foi‒quand il s'agit d'un lieu qui s'affiche "bobo", "hippster", "bruncher", "bio", "fusion"... On y craint toujours le coup de bambou final, pour un médiocre sandwich dans lequel un cuistot aurait ajouté des germes de soja pour être à la "onda".
Et bien, au risque d'être conformiste, il faut bien l'avouer : Masiosarey a beaucoup, beaucoup... mais beaucoup aimé la cuisine du Café Milou...
L'enseigne est petite : quelques tables en terrasse, autant à l'intérieur. Le nom est trompeur : le café fait aussi à manger le midi et le soir. Et là, nous devons encore le confesser, la carte aussi petite que le restaurant, ne nous inspirait qu'à moitié... Quoi? Une aubergine avec de la morue (bof) ou encore une salade de tomates ? Pas de quoi fouetter un chat...
Sauf que nous avons été littéralement bluffés par ces plats. Commencons donc par la salade aux quatre tomates (135 $) : un vrai régal pour les yeux, avec un mélange de couleurs inusuelles pour des tomates. Notamment, une variété de tomate verte, qui n'a rien à voir avec celle utilisée dans les sauces mexicaines, mais d'une douceur incroyable; et une autre, dite "de arbol", originaire de Oaxaca, qui hésite entre le fruit de cactus et la figue pour sa consistance et sa saveur, mais qui penche irrémédiablement vers la tomate pour son petit arrière goût acidulé en bouche. Ces tomates sont accompagnées d'un savoureux fromage de chèvre et le tout est arrosé d'une sauce... secrète. Au risque de choquer profondément tout provençal qui se respecte, cette sauce utilise très peu d'huile d'olive. Mais, malgré ce péché d'origine, elle met savamment en avant l'acidité des tomates qui est, quant à elle, contrebalancée par les variétés des tomates.
Vient ensuite l'aubergine à la morue (140$). On imaginait un morceau de poisson posé sur une aubergine ou, dans le meilleur des cas, une brandade de morue. Que nenni! Une aubergine fondante est surmontée d'une mousse légère et onctueuse de morue, et accompagnée d'un confis d'oignons rouges pour la légère touche sucrée. Et là, il faut saluer le talent du chef mexicain, Oscar, qui réussit à doser parfaitement la saveur de la morue dans sa mousse. Un délice que même les plus circonspects quant à la morue redemanderont sans l'ombre d'un doute. Le plateau de charcuterie (170$) était composé d'une terrine de campagne à la pistache, de rillettes de porc et de magret de canard fumé, fait maison. Des aulx confits, que vous n'hésiterez pas une seconde à consommer, accompagnent le tout.
Et à ce moment, une frénésie nous a pris... nous voulions tout goûter. Raisonnables, nous avons finalement opté pour le plateau de fromages (160$). Car avec des plats aussi savoureux et authentiques, nous étions curieux de savoir quels fromages allaient apparaître. Et là encore surprise! Des fromages uniquement mexicains, artisanaux, qui ne démériteraient pas dans le plateau de fromages d'un restaurant français. Un véritable pied de nez à tous ceux qui pensent que les fromages mexicains sont insipides, sans profondeur ou trop salés! Seul bémol : on en aurait voulu encore plus!
Le vin est servi à la coupe (entre 120$ et 140$) et, là encore, la carte est petite mais parie sur des vins de qualité sélectionnés par deux importateurs français qui veulent faire connaître d'autres vins français, cultivés en bio ou en "bio-dynamie", et résolument différents des grandes productions qui arrivent sur le marché mexicain.
Et vous l'aurez donc compris, les propriétaires (un couple franco-mexicain) ont voulu adapter le principe de "la cave à manger" ou du "bar à vin" au Mexique. "Un endroit où les gens se sentiraient bien", nous explique Noémie, la gérante. Et c'est le cas lorsque l'on saisit les verres de cantines françaises et les couteaux opinel!
Le leitmotiv : "fraîcheur, nature et saison" est un vrai défi dans la mégalopole mexicaine, mais il est relevé de main de maître : les fromages de chèvre viennent de Querétaro, ceux de vache de Puebla; les légumes sont achetés à des producteurs en agriculture bio. Ainsi, les saisons et micro-saisons mexicaines font-elles leur réapparition dans nos assiettes, avec une carte qui se propose de changer toutes les deux semaines.
De quoi assurément nous réconcilier avec la cuisine bio dans un quartier branché! Et un paquet de bonnes raisons de nous faire revenir, sans l'ombre d'un doute!
©Masiosarey, 2017