Le 19 septembre... 32 ans après
Comme chaque année à cette date, la ville de Mexico se préparait à célébrer le triste anniversaire du tremblement de terre de 1985. Et, comme chaque année, les alarmes sismiques ont retenti à 11h00 du matin dans le cadre du macro-simulacre organisé par les autorités de la ville. Mais deux heures plus tard, les alarmes ont à nouveau sonné, cette fois accompagnées de mouvements telluriques bien réels. Il y aura donc deux 19 septembre à Mexico.
A la différence du tremblement de terre qui avait secoué la ville le 7 septembre dernier, celui d’hier a été ressenti plus fortement et a causé beaucoup plus de dégâts dans la capitale mexicaine. La proximité de l’épicentre (à la frontière entre l’état de Morelos et celui de Puebla) est un paramètre clef, confirmant les craintes que le spécialiste de la gestion des risques de El Colegio de México, Sergio Puente, exprimait la semaine dernière dans un entretien accordé à la revue Masiosarey. La conjonction des ondes aussi a été plus complexe. Alors que le 7 septembre, le ressenti était essentiellement oscillatoire, le 19 septembre, les mouvements ont mêlé oscillations horizontales et oscillations verticales.
Un peu plus d’une minute de terreur
A l’heure du séisme, la plupart des habitants de la ville se trouvaient sur leur lieu de travail. Les enfants, eux, étaient à l’école. Surtout, à la différence du 7 septembre, l’alarme sismique a été déclenchée au moment même où les mouvements telluriques commençaient, rendant difficile l’évacuation des bâtiments. Les administrations, les écoles et les bureaux s’exercent régulièrement à des évacuations rapides. Mais, ce 19 septembre, la soudaineté du phénomène a pris tout le monde de cours. Dans une école de la Colonia Nápoles, Sophie, 7 ans, explique que la classe n’a pas eu le temps de sortir au moment des secousses. Les élèves se sont finalement retrouvés dans le patio central lorsque le sol a arrêté de bouger. « Le pire jour de ma vie» affirme-t-elle.
Exorciser la peur : raconter
Les premières minutes qui suivent le séisme voient les habitants hébétés, dans les rues. Les gens s’embrassent, se réconfortent, pleurent. Puis commence pour chacun l’entreprise de localisation des proches. Dans les quartiers relativement épargnés, l’électricité a très peu été coupée et les communications sont assez rapidement rétablies. Le réseau de téléphonie fixe a, lui aussi, relativement bien fonctionné. Ainsi, une demi-heure après le séisme, les premiers témoignages, les premières images commencent-elles à être diffusées. C’est à ce moment que les gens prennent conscience que, cette fois, la ville a été durement touchée.
Un voisin commente qu’il était dans le quartier Condesa (un des plus durement affecté) au moment du séisme : « Un arbre s’est effondré sur trois voitures. Les poteaux électriques se balançaient. Un bâtiment s’est écroulé. J’étais dans la voiture et nous en sommes sortis en courant. Il n’y avait pas d’endroits où se réfugier ». « A Coyoacán, nous étions en repérage dans une vieille maison pour un tournage, et tout a commencé à bouger. J’ai compris que c’était grave quand le mur où je m’appuyais a disparu derrière moi. L’eau d’un petit bassin du patio jaillissait. » raconte un jeune réalisateur.
Les parents se précipitent dans les écoles pour récupérer les enfants et la ville se sature de voitures. Les voies de communication principales, tout comme les transports publics, sont rapidement paralysées par les embouteillages, d’autant que de nombreux feux de signalisation sont hors service. Et, tout l’après-midi, ce sont des colonnes de piétons qui traversent les quartiers, quittant leurs lieux de travail pour rejoindre leurs domiciles.
Très rapidement, les habitants s’organisent. Dans les réseaux sociaux les groupes d’informations se multiplient et échangent des milliers de messages informatifs, dans l’urgence et plus ou moins vérifiés. Dans les quartiers épargnés, les voisins se rassurent, échangent leurs expériences et nouvelles, vérifient que rien n’est tombé. Des habitants attendent patiemment au pied de leur immeuble que les vérifications nécessaires soient effectuées. Peu à peu, les familles s’organisent, se réunissent, hébergent les membres dont les appartements ont été affectés.
Jusqu’à 18h, les rues sont pleines, beaucoup redoutant de rentrer chez eux. Puis, c’est le calme… Une atmosphère un peu angoissante succède à la fébrilité de l’après-midi. Les habitants se préparent à passer la nuit sous la menace d’éventuelles répliques ; la plupart d’entre eux devant leurs postes de télévision, qui repassent en boucle les images terribles du séisme.
Le souvenir de 1985 encore présent…
Le système national de protection civile est efficace : les hélicoptères de la police sillonnent le ciel pour localiser les dégâts, les secours au sol s’organisent rapidement, les sirènes des ambulances et de la police résonnent dans toutes les directions. Dans les zones les plus affectées de la ville, les brigadiers entrent en action, organisant les volontaires qui affluent d’un peu partout, et sillonnant leur périmètre en délivrant les conseils de base. Parallèlement, des lieux de collectes sont montés en hâte et en différents points, pour recevoir les donations en vivres et en matériels de première nécessité…
«J’ai traversé le quartier Del Valle, et c’était le chaos. Des immeubles sont tombés. Mon ancien bâtiment s’est effondré ! Mais c’était formidable de voir l’organisation des gens. Ils ont commencé à faire des chaînes pour enlever les décombres à mains nues. » raconte Rodrigo. « J’ai également été impressionné de voir des femmes âgées, vraisemblablement bien préparées, avec leur radio collée à l’oreille et leurs affaires dans une valise, marcher avec détermination. » ajoute-t-il. Beaucoup de regards sont remplis de larmes devant les écrans, les plus âgés visiblement se remémorant d’autres temps…
Dans les quartiers les plus touchés (les quartiers centraux et certains dans le sud de la ville), beaucoup d’habitants n’ont pas pu rentrer chez eux, les accès étant fermés par les autorités de protection civile. D’autres ont juste eu le temps de récupérer quelques affaires et se préparent à passer la nuit dehors, ou cherchent un hébergement. Plusieurs zones de la Roma, de la Condesa, de la Juarez et de la Cuauthémoc ont passé la nuit sans électricité, pénurie qui affecte aussi le système d’eau de la ville qui fonctionne avec des pompes.
Tout au long de l’après-midi, le bilan des victimes s’alourdit. A 20h, 44 bâtiments s’étaient écroulés à Mexico et les autorités confirmaient le décès de 147 personnes dans les états de Puebla, Morelos, de México et dans la capitale mexicaine.
Le jour d’après…
20 septembre 2017, les activités sont réduites à leur minimum dans la ville. Les administrations et les écoles ont été fermées. De nombreuses entreprises sont à l’arrêt. Mais, malgré tout, la vie reprend lentement dans les quartiers. L’électricité est rétablie pratiquement partout. Beaucoup de commerces ouvrent, les marchands ambulants s’installent, le service de ramassage des poubelles fonctionne. México a survécu… Pourtant, des immeubles continuent de s’effondrer. Des hôpitaux endommagés ont été évacués et les travaux de sauvetage continuent.
Les habitants sont à nouveau sortis dans les rues, dans l’espoir d’apporter leur aide ou, pour beaucoup, par besoin de voir et de comprendre ce qui se passe. Pour être ensemble, faire communauté. Certains sites de déblayages sont assiégés par des centaines de curieux, ce qui complique évidemment la tâche des équipes de secours. Mais les manifestations de solidarité structurées se multiplient également. « Nous sommes un club d’une centaine de motocyclistes mobilisés, et nous organisons un relais pour apporter ce qui manque dans les zones sinistrées », explique cette habitante de San Pedro de los Pinos. « Il manque surtout des gants, des masques de protection, des outils pour déblayer. L’armée vient de fermer une partie de la Condesa, mais nous continuons à apporter sur place ce que l’on nous donne ».
Le bilan s’alourdit régulièrement. A 18h, les autorités (protection civile) annoncent 100 victimes à Mexico, 230 en total dans l'ensemble des états touchés. La nuit, accompagnée malheureusement cette fois d'une forte pluie, sera encore longue…
©Masiosarey, Mexico, 20 septembre 2017