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Masiosarey

… une sortie de pêche à Isla Mujeres, avec des témoins de Jehova


Encore une bonne idée ! De celle où l’on se dit avant, pendant et après coup : mais qu’est-ce que je fais dans cette galère !

Avertissement ! Je déconseille vivement à nos lecteurs d’essayer de reproduire ce genre d’expérience, et plus particulièrement aux mineurs, aux jolies jeunes filles, aux personnes dont le niveau d’espagnol ne dépasse pas le ¡Qué tal !, aux voyageurs habitués aux cinq étoiles…

A une époque où la jeunesse se définit par une capacité économique limitée, ma sœur, basée en France, avait trouvé une compagnie low cost pour rejoindre Cancun. Pour ma part, connaissant cette station balnéaire (capitale des spring breakers ! Youhouuuuu !), et en ma qualité de résidente mexicaine aguerrie, j’avais opté pour nous installer à Isla Mujeres, paradis aux plages blanches, éloignée du bling bling cancounien… et accessoirement moins chère.

Hors saison Isla Mujeres est effectivement un petit paradis où même l’hôtel le plus vétuste du centre ville se trouve à cinq minutes à pied d’une plage paradisiaque. Toutefois, après quelques jours de farniente et après avoir repéré tous les lieux fréquentés par des pseudo baba cool en mal d’aventure, ma chère compagne de voyage commença à trouver le temps long et à avoir envi de découvrir le Mexique... des « vrais mexicains ». Et, par une implacable logique sur une île, la vie des pêcheurs mexicains... et pourquoi pas même de tenter la pêche au gros. ¡Caracoles! Découvrir l’authentique dans une île qui ne vit que du tourisme et en choisissant l’activité la plus snob qui existe : mission impossible !

Nous avions fait d’un petit restaurant de la rue principale notre repère quotidien. Le propriétaire était un sympathique mexicain qui avait, très adroitement, importé la pizza et le café express dans le village. Notre niveau d’espagnol nous permettant de dépasser les classiques préambules (D’où venez-vous ? Aimez-vous le Mexique ? Qu’est-ce que vous préférez, la France ou le Mexique ?), nous en étions arrivées à connaître les principaux problèmes sociaux et économiques qui affectaient l’île, les quartiers les moins chers pour y vivre et les déboires politiques locaux. Et c’est ainsi que la question fatidique fut posée :

- Est-ce que vous connaissez un moyen pas cher pour aller pêcher ?

- Euh, et bien il y a pleins d’organisateurs au port

- Oui, mais c’est très cher, et on voudrait vraiment aller pêcher [un peu insistantes]

- Mais vous savez pêcher ?

- Ô peuchère, on vient de Marseille, la pêche c’est notre vie [un peu excessives]

S’ensuivit une conversation passionnée sur nos expériences de pêche (la mienne, je vous rassure tout de suite, se limite à la pêche à la ligne en bord de la plage, là où généralement on n'a pas une touche).

- Bon, Ok, moi j’ai un bateau [regard émerveillé des filles]. Si vous voulez, on se retrouve ce soir. Mais pas au port, car si les organisateurs nous repèrent avec des touristes on est frit ! Ne vous inquiétez pas, nous sommes des gens de confiance, nous sommes témoins de Jehova...

Passé le moment d’euphorie, la dernière partie de la phrase restait énigmatique. Il nous semblait clair qu’être témoins de Jehova était une recommandation, mais sans deviner véritablement pourquoi.

Le soir venu, cachés dans la mangrove, nous avons donc embarqué sur une barcasse. Avec deux témoins de Jehova. Les doutes qui avaient surgis dans la journée laissaient place à la méfiance, des deux côtés. Et nos compagnons d’aventure, manifestement dubitatifs quant à nos capacités de pêcheuses, décidèrent de nous emmener à distance raisonnable de la côte, à côté de l’enclôt du dauphin.

Après une petite heure de désespoir –car rien ne mordait– ma sœur finalement cria :

- Ça y est ! Quelque chose mord. Et c’est du gros ; ça tire beaucoup !

J’avoue que je n’en menais pas large. C’est une chose de pêcher du bord en Méditerranée, c’en est une autre de remonter les espèces exotiques (comprendre requin !) des Caraïbes. Nos deux compagnons s’arqueboutèrent sur la canne à pêche pour remonter la prise, quand apparue… une vulgaire palme en plastique vert, témoignage, s’il en est, des effets collatéraux des parcs d’attractions dans ces lieux touristiques. La conversation pré-palme verte ayant été des plus engageantes –j’avais fais montre de ma culture du cinéma populaire mexicain (ne jamais en sous-estimer l’importance)-, nos deux compères décidèrent de nous amener en haute mer.

Dans la passe, entre Cancun et Isla Mujeres, avec la lune comme seul éclairage, notre petite barque prenait la houle, en plein sur le passage de bateaux rapides qui, étrangement, étaient beaucoup plus nombreux la nuit que le jour.

- c’est normal, ce sont des bateaux de migrants

- Quoi ?

- On n’est pas loin de Cuba ici, c’est le trafic normal

Et d’apprendre qu’un de nos témoins de Jehova (au rythme des bières qu’il buvait, nous commencions à douter de sa qualité de Témoin) était en fait un capitaine qui faisait régulièrement la route entre l’Île et Cancun.

Bilan de la nuit :

  • Une palme verte en plastique

  • Un joli vomi (Ah la houle !)

  • Un article prêt-à-publier sur les routes des migrants illégaux

  • Une glacière à demi-remplie de poissons

  • Une confirmation : l’identité mexicaine est plus forte que l’appartenance à une secte

Immersion totale mexicaine dans le lieu le plus touristique de la planète : done!

©Masiosarey, 2017

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