Córdoba : De l'eau, du sucre et des trains
Etonnante et séduisante, Córdoba mérite le détour.
Etonnante, car le promeneur y découvrira le riche passé industriel de cette ville fondée en 1618, tout en réalisant que le Mexique a été (et continue d’être) un pays de… trains! Etonnante également, car les cendres qui tombent sur la ville rappellent son ancrage dans un territoire rural qui continue de parier sur la culture de la canne à sucre. Bref, Córdoba séduit car elle reste active, industrielle, tout en pariant sur la modernité. Et les autorités ont bien compris ses atouts…
La plus belle fête des enfants
Passée la première surprise de découvrir des feux de signalisation ultra modernes et design à chaque intersection, la place principale rend au promeneur les repères traditionnels des centres villes mexicains : un palais municipal grandiose qui fait face à une cathédrale bleu layette, qui joue à se confondre avec le ciel.
Une place centrale utilisée à bon escient : toute la semaine, elle accueillait la troisième édition de la Foire internationale du livre avec comme invité d’honneur le Maroc
Notre coup de cœur va en particulier à une rue du centre rendue piétonne, qui constitue un exemple d’utilisation optimale de l’espace public en milieu tropical. Le « Paseo de las Fuentes » (Calle 1) accueille les enfants (de 7 à 77 ans) autour d’une suite de 8 fontaines d’eau jaillissant par intermittence du trottoir. Pour leur plus grand plaisir, les enfants attendent avec impatience de se faire arroser. Et à chaque douche, les cris et les rires envahissent la rue.
Luis Alberto García Hernández, syndic unique* de la municipalité de Córdoba depuis 2014, est fier de ce projet. Ce membre de la nouvelle administration municipale présente son programme de développement urbain comme « humaniste et proche des gens », pariant sur « la culture, l’éducation, l’art et le tourisme ». A la question de savoir qui a eu l’idée de génie de la rue aux jets d’eau, il répond : « Notre gestion se veut participative et les habitants ont largement insisté sur les espaces publics, sportifs et de récréation ». Mais qui en particulier ? : « Un cabinet de dessin urbain de la ville de Mexico nous a fait plusieurs propositions et nous avons arbitré. Ce projet a été mené avec l’aide de Fonds fédéraux pour les espaces publics** ».
Luis Alberto García Hernández annonce d’ailleurs que la municipalité compte « bien continuer avec une trentaine de jets dans une autre rue, qui seront illuminés, mis en musique et qui monteront jusqu’à 14 mètres de hauteur » ; avant de préciser que « L’eau est bien entendu recyclée car elle retombe dans un système souterrain de récupération qui la projette de nouveau. »
Une initiative qui laissera sans aucun doute de magnifiques souvenirs aux enfants !
Industrie et train
La ville de Córdoba est également surprenante car l’infrastructure ferroviaire y est encore très présente et témoigne de cette époque où la modernisation du pays était intrinsèquement associée à celle de son réseau ferroviaire. Aujourd’hui, malgré la quasi disparition du transport de passagers, les wagons commerciaux, eux, traversent plusieurs fois par jour la ville, à grand coup de sifflets.
Dans le quartier de la station de train, il est possible d’identifier les anciens pôles industriels de Córdoba, à l’heure actuelle abandonnés. Un patrimoine industriel qui constitue un atout, comme la municipalité semble l’avoir compris. Une opération urbaine est aujourd’hui en cours de réalisation, dans cette zone justement, avec la réhabilitation –avec un style résolument contemporain– du trottoir qui longe un ancien hôtel prestigieux aujourd’hui totalement délabré.
Autre témoin, d’un passé moins glorieux cette fois : le site contaminé de l’entreprise de pesticides Anaversa (Agricultura Nacional de Veracruz S.A) qui a explosé en 1991 et dont les conséquences directes ont fait un millier de morts. Les ruines sont encore à ciel ouvert, sans qu’aucune mesure de sécurité ou de traitement de la zone ne soient prises.
Et cela à quelques mètres de la nouvelle rue flambant neuve.
©Masiosarey, 2017
*Syndic Unique : « El Ayuntamiento » (municipalité) au Mexique est composé du maire, de « regidores » qui siègent au Conseil municipal et du syndic unique, tous élus au suffrage direct et universel suivant les principes de majorité relative et de représentation proportionnelle. Le Syndic assume la représentation juridique de la municipalité en cas de litiges auxquels prendrait part la municipalité. Il exerce aussi des fonctions de vigilance des finances municipales et siège (« voz y voto ») au Conseil municipal. Il peut enfin remplacer le maire (Loi organique de la Municipalité libre de l’Etat souverain de Veracruz, Gaceta Oficial du 5/01/2001, dernière réforme 10/08/2015).
**Jusqu’en 2014, ce fonds fédéral, géré par le Ministère du développement agraire territorial et urbain (SEDATU) s’appelait Rescate de Espacios Públicos (Récupération des espaces publics). Depuis 2015, il a été fusionné avec d’autres programmes fédéraux relatifs au logement. Ces fonds publics associent les différents niveaux de gouvernement. Dans le cas de Córdoba, la municipalité et la Fédération ont participé à hauteur de 50% chacun dans le cadre de ce programme en 2014.