Semaine du 20 au 26 février 2017
RELATIONS Mexique-US
En début de semaine, la visite du secrétaire d’Etat américain Rex Tillerson à Mexico semblait devoir contribuer à un réchauffement des relations entre les deux pays.
Les propos optimistes du porte-parole de la Maison Blanche, Sean Spicer, étaient d'ailleurs largement relayés par la presse européenne (Le Matin.ch, Metrotime.be, Le Quotidien.lu - 22/02/2017) : il est significatif, disait M. Spicer « que le président Trump envoie ces deux ministres au Mexique si tôt dans son mandat. C'est symbolique de la relation significative qui unit nos deux nations».
Toutefois, le matin même de la visite de la délégation américaine, Courrier International (23/02/2017) affichait une réalité plus nuancée en proposant une petite revue de presse, en français, des réactions des principaux médias mexicains, intitulée --fort à propos-- “Avec les États-Unis, une longue bataille va commencer”… Pour sa part, Emmanuelle Steels, recueillait pour Libération (22/02/2017) les inquiétudes et le climat d’incertitude qui pèsent depuis plusieurs mois sur les salariés mexicains du groupe Ford dans l’Etat de México.
Et, de fait, les choses étaient effectivement mal parties.
Comme le rappelle Frédéric Saliba, correspondant de Le Monde, dans un des articles les plus clairs et complets de la semaine passée (Le Monde - 22/02/2017) : « La veille, le département américain de la sécurité intérieure avait (justement) publié deux directives précisant les modalités d’application de deux décrets présidentiels, datés du 25 janvier, qui visent à accélérer les expulsions de clandestins aux États-Unis, dont 5,7 millions sont Mexicains »… « Signées par M. Kelly, les deux circulaires ordonnent notamment le recrutement de 15 000 agents d’immigration supplémentaires et l’extension des expulsions expéditives à tous les sans-papiers présents sur le sol américain depuis deux ans. Seuls les « dreamers » (rêveurs), ces 750 000 clandestins arrivés enfants aux États-Unis et scolarisés, sont épargnés ».
Pire encore, symboliquement parlant, « Les deux directives mentionnent aussi la recherche de fonds publics pour la construction du mur frontalier (évaluée à 21 milliards de dollars), promesse phare de M. Trump »... Il en faudrait moins pour froisser son meilleur ami.
La conférence postérieure à la visite, durant laquelle les ministres « n'ont pas pris de questions de la presse comme il avait été annoncé » a donc beaucoup fait parler les médias francophones (L’Express, La Croix, Le Parisien, Le Figaro, La Dépêche, France24, Challenges - 22/02/2017), qui ont souligné « l’atmosphère en apparence tendue » de cet acte public, ainsi que la déclaration –pour le moins sibylline- de Rex Tillerson rappelant que "dans une relation remplie de couleurs vibrantes, deux pays souverains forts ont de temps en temps des différences". Avis aux décrypteurs…
Les Echos, 24Matins et RFI (24/02/2017), pour leur part, ont choisi d’insister sur les efforts de rapprochement manifestés par le secrétaire d'Etat américain Rex Tillerson et le ministre de l'Intérieur John Kelly, qui « se sont démarqués, jeudi, des propos et décisions agressifs de leur président à l'égard du Mexique et des Mexicains, qui ont déclenché la pire crise diplomatique entre les deux pays depuis des décennies. Et ont visiblement cherché à calmer le jeu en apportant un message rassurant ».
Pour preuve, l’AFP reprend les propos de John Kelly : « Soyons très, très clairs. Il n'y aura pas d'expulsions massives", les Etats-Unis ne feront "pas usage de l'armée en matière migratoire". Voila qui rassure en effet…
Côté mexicain, comme le rapportent Libération et Challenges, les messages sont tout aussi prudents, pour ne pas dire ambiguës.
"Il y a de l'inquiétude et de l'irritation chez les Mexicains", rappelait ainsi le ministre des Affaires étrangères Luis Videgaray, tout en saluant "un premier pas dans la bonne direction", pour rappeler un peu plus tard que Le Mexique n'hésitera pas "à entrer en contact avec les Nations unies pour défendre les droits des immigrés". De son côté, le ministre mexicain de l’Economie Ildefonso Guajardo indiquait jeudi sur la chaîne Televisa que le Mexique n´hésiterait pas à déclencher «le plan B» et taxerait en représailles les produits américains.
Bref, cette réunion tant annoncée aura été peu concluante.
Comme le synthétisent le jour même, Challenges et Radio Canada (23/02/2017) en citant notamment Jason Marczak, directeur du département des questions économiques latino-américaines du centre d'études Atlantic Council, selon qui: "Les relations Mexique-US sont à un niveau historique tellement bas que ce serait un voeu pieux de penser que de nouvelles questions concrètes puissent être abordées actuellement"…
Et ce n’est pas Donald Trump qui aura contribué au réchauffement des relations entre les deux pays.
En effet RFI (23/02/2017) et Le JDD (24/02/2017) rapportent que « quelques heures plus tôt, à la Maison-Blanche, le président américain avait comparé les efforts engagés par son administration pour expulser certains immigrés clandestins à "une opération militaire". "Vous voyez ce qui se passe à la frontière. Soudain, pour la première fois (...) nous mettons dehors des membres de gangs, nous mettons dehors des chefs de cartels. Nous mettons les très mauvais gars dehors, et cela à un rythme jamais vu", a déclaré D. Trump au début d'une rencontre avec des dirigeants d'entreprises. "Et c'est une opération militaire", a-t-il ajouté".... Well done Don !
Comme il fallait s’y attendre, les réponses ne se sont pas fait attendre… Du coté de la Maison Blanche d’abord, ou --comme le souligne Le JDD— le porte-parole Sean Spicer a précisé qu’en fait « militaire » voulait dire "efficace".
Mais aussi du côté des autorités mexicaines, qui comme le souligne Euronews (24/02/2017), ont fait largement savoir n’avoir enregistré, pour l’heure, aucune expulsion de chefs de cartels ou même de narcotrafiquants depuis les Etats-Unis.
Surtout, un nouveau pas a été franchi cette semaine par le Mexique, visiblement excédé...
Cette fois à travers la voix de ministre de l'Intérieur, Miguel Angel Osorio Chong. (Le Figaro - 24/02/2017, LibaNews - 25/02/2017, Le Devoir ou MetroTime). Voisins américains sachez-le, le Mexique n'accueillera pas les clandestins expulsés n'ayant pas la nationalité mexicaine.
Et toc.